Page 31 - Tours Magazine 11-12-2020
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TOURANGEAUX TOURS AUJOURD’HUI
Frédérique Alglave
La vie des autres
Journaliste tourangelle, impliquée au Cepravoi (Centre de pratiques vocales et
instrumentales), Frédérique Alglave est devenue biographe. Depuis deux ans,
ce métier singulier de « passeur de mémoire » la passionne.
Portrait d’une portraitiste.
n ressent dans sa voix ce casques, obus, lampes et gamelles ».
tremblement léger que font les La vie, en temps de paix, n’exclut pas,
Oruisseaux roulant sur des cailloux. dans la manière dont on l’affronte, la
C’est agréable, on se laisse entraîner réapparition symbolique de ces objets
par sa musique oscillante, tendue comme guerriers. L’inconditionnelle de Brel
la main d’une amie, haletante comme son réunit, à tout le moins, des fragments
histoire. Frédérique, en temps normal, figés dans l’âme au premier temps
parle peu, « écoute activement », puis d’« une valse à mille temps » qui débute
change de peau : « j’ai été petite fille toujours par « un murmure tout bas »,
sur l’île de Ré sous l’Occupation, j’ai celui de la mémoire au travail. La
parcouru le monde avec un kimono dans « metteuse en mots » la couche ensuite,
ma valise, j’ai été l’une des cinq filles du de bonheur et pour longtemps, sur le
docteur Samsoen et vivais dans la grande papier en y mettant la forme et un ton
maison d’Hazebrouck... ». Mais ce jour- qui ne lui appartient pas. Elle a déjà
là, elle doit être elle-même et remonter le écrit quatre biographies depuis qu’elle
courant de ses propres souvenirs. a été formée au métier à Paris.
Au fil de l’eau, nous les consignons. Paris, l’ex-étudiante à la Sorbonne, l’aura
Cinquième enfant d’une famille longtemps fantasmée en dévorant les
d’agriculteurs, Frédérique Alglave polars de Léo Malet. Elle connaissait
a grandi dans « le bas de l’Aisne » et si bien les aventures de Nestor Burma
dépensé sans compter son temps à lire qu’elle osa, « un peu bécasse », se
et écrire, parfois cachée « dans un petit présenter chez son éditeur : « lorsque
grenier au-dessus de l’ancienne laiterie j’ai grimpé les étages de la petite maison
de la ferme ». Son père l’y surprenait : « si d’édition rue du Dragon, au cœur du
Frédérique Alglave tu ne sais pas quoi faire, proposait-il, je quartier Saint-Germain, je tremblais
en quelques dates peux te trouver une occupation ». Jean de trouille ». Engagée, elle finira par
de la Fontaine a grandi non loin de là, déjeuner avec l’auteur de Brouillard au
il aurait pu l’inspirer, mais ce sont « les pont de Tolbiac. Ce titre-ci, et pas un
1964 Naissance à Fismes (Marne)
récits très exagérés, très imagés » de son autre, lui revient en premier, peut-être
1984 Arrivée à Paris, études littéraires grand-père qui lui firent comprendre parce que, dit-elle, « j’aime les ponts,
à la Sorbonne que chaque vie est une fable. les entre-deux berges et le brouillard
qui teinte la réalité ». Aujourd’hui,
1988 Débute sa carrière dans l’édition
Fragments éclatants Frédérique enquête sans trembler, lève
1993 Emménagement à Tours le voile sur les mystères d’existences
« La ferme surplombe un marais qui « jamais banales », toujours nouvelles,
2004 Chargée de communication abonde de petits ruisseaux et de sources et s’efface, sans laisser d’elle-même
au CEPRAVOI (Centre pétrifiantes ». Est-ce à partir de là que la la moindre trace dans le livre à écrire.
de pratiques vocales et
instrumentales) petite fille timide a trouvé sa « voix » ? Ainsi se commet la biographie parfaite.
« Comme c’est à deux pas du Chemin
2018 Formation de biographe des Dames, il y a des trous d’obus pleins www.alglave.net B.P.
à Paris (ALEPH Écriture) de têtards, un paradis pour enfant. Nous
retrouvions des tas de baïonnettes, Entretien complet avec Frédérique Alglave sur :
magazine.tours.fr
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